Le moulin et le relais postal d’Asselborn

Domaine du Moulin d'AsselbornCe qui vous frappera d’emblée à votre arrivée au Moulin d’Asselborn, c’est le décor sauvage de la vallée du Tratterbach, entre bosquets vert intense et herbes folles, entre prairies à vaches et fleurs des champs. Et surtout, bien sûr, la paisible rivière qui descend de la crête ardennaise en direction de Clervaux, nervurée de cheveux d’anges.

Cet endroit a été choisi avec soin, il y a quasi mille ans, pour établir un premier moulin à céréales dans la région. Pas rien que pour y moudre du blé, difficile à cultiver dans cette terre à pâturages, mais aussi de l’épeautre, du seigle, de l’avoine (gruau) et de l’orge. Le moulin d'AsselbornTrois belles roues à augets actionnent aujourd’hui encore deux meules de pierre et une grande roue crantée, utilisée pour la batteuse (nettoyage du grain), le blutoir (tamisage de la farine) ou le moulin de trèfles (semences). À plusieurs époques, l’installation a également servi au broyage des noix, des noisettes ou des faines pour en extraire de l’huile.

Aujourd’hui, le vénérable moulin est aménagé en hôtel champêtre et en restaurant gastronomique, merveilleusement dépaysant. Isolé en pleine nature, massif et inébranlable, il distribue ses chambres autour d’une vieille cour pavée où semblent encore résonner les sabots de chevaux. DSC01784 (Copier)Une tour, adossée à la partie la plus ancienne du bâtiment, confère à cet espace intérieur, des allures d’enceinte de château. Les toitures sont couvertes de belles ardoises en écailles, ces « cherbains » si caractéristiques des carrières des environs. L’artisan qui en a coiffé les charpentes les a agencées avec tant de dextérité qu’on les dirait souples, vagues autour des lucarnes ou mine de crayon géant au sommet de la tour.

DSC01777 (Copier)Certains des murs du moulin auront bientôt mille ans, faisant du site un des plus ancien monument historique du Grand-Duché. Il vous sera difficile de les reconnaître, car les joints en ciment ont masqué le mortier de chaux ancestral. Mais hier comme aujourd’hui, l’empilement généreux de ces milliers de dalles de schiste impressionne par sa massivité, sa solidité. Dans plusieurs pièces du moulin, la roche-mère affleure, tapisse les murs de ses éclats bruts, accentuant encore son ancrage dans la nuit des temps.

Les archives évoquent le nom des différents meuniers qui louèrent le moulin banal d’Asselborn, propriété de la célèbre Abbaye Saint-Maximin de Trèves. Il faut demander à Léon Nilles, qui a acquis et restauré les lieux dans les années 1980, ou à la directrice de l’hôtel, Stéphanie Dauch, de vous raconter la vie de ces artisans hors du commun – pas du tout paresseux, comme le laisse croire la comptine. Plusieurs anecdotes savoureuses sont révélatrices du statut particulier des meuniers dans la société d’antan.

Le Musée du moulin à eau à AsselbornUne fonction et un savoir-faire si attachant que le propriétaire de l’hôtel-restaurant, passionné d’histoire, a tenu à créer sur place un « Musée du moulin à eau et de la meunerie », qui vous fera découvrir très concrètement les mille et un gestes et instruments des maîtres de la farine. Un musée « dans son jus », dans le même volume minéral et ligneux, le même air frais que ceux qui ont vu travailler près de 30 générations de meuniers. Chaque objet qui y a retrouvé sa place, chaque outil qui y est rangé a une histoire à raconter, une patine à caresser… Une panne de courant et vous vous retrouvez deux siècles en arrière, dans une obscurité presque monacale (interdit de s’éclairer à la flamme d’une bougie dans un moulin, car la poussière de farine est explosive !). Troublant !

La Tratterbach au Moulin d'Asselborn (Lu)Ce qui m’émeut aussi, au Domaine du moulin d’Asselborn, c’est que ses roues sont mises en mouvement par une rivière située précisément sur le tracé du canal de Meuse à la Moselle, à quelques kilomètres de sortie du souterrain de Hoffelt. Si la révolution belge n’avait généré l’insécurité dans toute la région et compromis le financement, puis l’achèvement des travaux, de longues et étroites embarcations auraient glissé devant le moulin jusqu’à la moitié du siècle dernier… Ce qui fait évidemment de ce lieu chargé d’histoire un des endroits les plus indiqués pour lire La Rivière contrariée, les pieds dans le ruisseau, assis à une table de la terrasse ou au coin du feu. Là même où l’aventure s’est déroulée !

Quand vous irez à Asselborn, ne manquez surtout pas l’Auberge du Relais postal, en haut dans le village, dont la taverne et le restaurant vous enchanteront. Cette ancienne maison de poste de la famille Tour et Taxis, sur la route entre Malines et Rome, a connu des heures de gloire au 16e et au 17e siècle. En ses murs, beaucoup de précieux messages scellés des grands d’Europe ont changé de mains, puisque les postillons faisaient toujours le même chemin vers le relai suivant avant de revenir avec les nouvelles qui partaient en sens inverse.

Le Relais postal d'Asselborn (Lu)L’aménagement des anciennes écuries en taverne met bien en avant la vocation initiale du site, avec sa calèche jaune (fidèle reproduction de celle qui transportait messages et passagers au 17e s.), ses malles à bagages, les harnais pendus aux murs, le foin dans les mangeoires et autres besaces à courrier. Partout, des gravures, photos anciennes ou cartes postales rappellent les responsabilités des maîtres de postes et la vie de leurs postillons. Le Relais postal d'Asselborn (Lu)Dans le restaurant en lui-même, qui fut la pièce commune où étaient accueillis les voyageurs, c’est le thème des communications qui est à l’honneur, avec une collection inattendue de télégraphes, de postes de radio anciens et de combinés de téléphone à cornet. Dans un coin, une ancienne cave a été transformée en aire de jeux pour enfants ; dans une autre, sous une vitre, apparaît l’ancien puits. Le chef-coq, dans sa cuisine aux allures médiévales, opère au vu de tous, devant une hotte de cheminée rivetée comme un heaume de chevalier noir.

Si les murs de schiste du rez-de-chaussée ont conservé leur épaisseur d’antan (et quelques aménagements d’époque), le premier étage a lui fait l’objet d’une rénovation contemporaine (écologique) très réussie, privilégiant le fer forgé et l’acier, les grandes baies vitrées et le revêtement terre-paille.

C’est dans cette partie de l’édifice qu’ont été aménagées les chambres de ce petit hôtel insolite. Le Relais postal d'Asselborn (Lu)Chacune possède un thème, en lien avec l’histoire des lieux : Tour et Taxis, Maître de Poste, Postillon, Art de l’écriture… Plusieurs meubles anciens enrichissent leur mobilier, choisis pour se marier harmonieusement avec les lignes sobres et les tons clairs des volumes restaurés. Chaque chambre (combinable en suite) possède son coffre-valise ancien, avec ces arceaux de bois et ses serrures patinées. Dieu sait quels pays ces malles capitonnées ont traversé avant d’arriver là…

Le Musée de l'écritoire au Relais postal d'Asselborn (Lu)La visite ne s’arrête pas là, car le relais postal d’Asselborn propose une autre découverte à ses hôtes : un bijou de petit « Musée des écritoires », entre chambres et restaurant. Une collection de plumes, encriers, cassettes, lettres, manuels scolaires, cachets et flacons d’encre délicatement mis en valeur, sur fond de classe d’école de village et de cloisons en torchis.

Une halte inattendue, dans un village délicieusement isolé (bien qu’autrefois couru), entre rivière et chevaux, pierres anciennes et farine, nature et culture.

 

Le Relais postal d'Asselborn (Lu)Informations et réservations :
Le Vieux Moulin d’Asselborn
Le Relais postal d’Asselborn

 

 

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3 Replies to “Le moulin et le relais postal d’Asselborn”

  1. Marie-Rose N.

    Votre article m’a surpris très agréablement ce matin pour le motif qui suit : j’ai retrouvé les vieilles ruines du moulin du village de Ninane (près de Bomal) où je me rends très souvent pour l’ambiance et j’ai rencontré Mr Jacky Adam, auteur des « Moulins et des Hommes » qui fait des livres magnifiques sur les moulins à eau… Une nouvelle passion est née et, un jour que j’étais à Prelle pour le moulin d’Ortheville, j’ai lu votre article sur le souterrain de Bernistap qui est devenu un nouveau centre d’intérêt.
    Ces moulins me poursuivent maintenant, tellement qu’en me rendant en WE à Stoumont, je me suis retrouvée en fait à Moulin du Ruy où j’ai fait connaissance avec des Anversois qui restaurent le « Neu Moulin » et où je vais aller loger bientôt en gîte.
    Tout ce ci pour vous dire ceci: j’avais reçu un Bongo et je l’ai fait activer fin juillet pour aller… au Moulin d’Asselborn le week-end du 27 septembre… par le plus grand des hasards encore. Nous sommes allés à Bernistap en juin mais n’avons fait que le côté belge… nous pourrons ainsi faire l’autre côté.
    De plus, j’ai acheté votre livre que j’ai commencé de suite et dès le départ je me trouve en pays connu car ces ouvriers du canal parlent l’anglais, l’allemand, le français et le wallon langues que je pratique également.
    Je trouve tout cela tellement étonnant que je voulais vous en faire part…
    Bonne continuation à vous, je reprends mon livre et le prendrai certainement avec moi pour le consulter sur place où grâce aux renseignements que j’ai trouvés dans votre article je pourrai faire des promenades et des visites très intéressantes…

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  2. bock

    Savez-vous si parmi les meuniers qui ont exploité le moulin figure Nicolas Bock entre 1835 et 1867.
    Merci d’avance et meilleures salutations.
    A.bock

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    • Gery de Pierpont

      Bonjour Monsieur Bock,
      merci pour votre message.
      Malheureusement, je n’ai pas trouvé de trace de Nicolas Bock dans les documents que j’ai rassemblés au sujet de l’histoire du moulin d’Asselborn. La brochure « Musée du moulin à eau et de la meunerie du moulin banal d’Asselborn », rédigée par Léon Nilles, propriétaire actuel des lieux, mentionne pour la période 1835-67 les noms de Johann Kehr, de la veuve Philipp Koener, de Nikolas Koener et de Johann Koener. Vous obtiendrez davantage de précisions en vous adressant directement à Monsieur Nilles (moulinas@pt.lu).
      Bonnes recherches,
      Géry de Pierpont

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